Imagerie du sein après lipomodelage
Le lipomodelage du sein, ou lipofilling du sein, est une technique qui consiste à transférer de la graisse d’une zone où elle est en excès vers le sein. Nous avons mis au point cette technique en 1998, tout d’abord en reconstruction mammaire, puis nous l’avons appliquée dans un grand nombre de situations de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique du sein.
Le radiologue a une place centrale pour la sécurité oncologique de cette intervention, avant et après lipomodelage du sein, surtout après sein conservé avec des séquelles. L’imagerie préopératoire est à adapter au contexte de la patiente, et est indispensable. Elle doit clairement conclure à la possibilité ou non de la réalisation de l’intervention. De même, le suivi après lipomodelage doit clairement définir les aspects normaux correspondant à des zones de cytostéatonécrose, et la conclusion de l’imagerie doit être claire et sans équivoque. En présence d’une lésion suspecte, une microbiopsie permettra d’éliminer une éventuelle néoplasie sous-jacente.
Introduction
La technique du lipomodelage du sein, appelé également lipofilling du sein, consiste à prélever de la graisse au niveau d’une zone en excès et à transférer au niveau du sein pour réaliser une réparation, ou une amélioration esthétique du sein. Nous avons développé cette technique, au début comme complément de la technique de reconstruction mammaire par lambeau de grand dorsal autologue ; puis nous l’avons progressivement appliquée aux différentes situations de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique du sein. La technique du lipomodelage du sein a actuellement pris une place centrale en reconstruction et en réparation du sein, et a permis d’améliorer la façon considérable la qualité des résultats. Pour ceux qui commencent cette technique, ou qui sont peu familiarisés avec cette technique, une source d’inquiétude est l’imagerie du sein après lipomodelage. C’est pourquoi nous avons consacré plusieurs travaux scientifiques et articles à ce sujet. Le dernier vient de paraître dans la revue « Imagerie de la femme » et fait le point sur les images à connaitre par le radiologue, à la suite d’un lipomodelage du sein.
Avantages du lipomodelage du sein
Le lipomodelage du sein a maintenant pris une place centrale en chirurgie plastique et reconstructrice du sein, car il y a de nombreux avantages. Parmi ces avantages, on peut retenir :
Tissus autologues?Le tissu graisseux étant un tissu autologue, il n’y a pas de phénomène immunologique de rejet. Les tissus autologues permettent d’éviter le recours à une prothèse avec ses risques ou inconvénients et, lorsque le lipomodelage est utilisé en complément d’une prothèse, il améliore la tolérance de la prothèse et réduit les risques de coque.
Peu de contre-indications
Il n’y a pas de contre-indications à proprement parlé, et seulement une limite de la technique en cas de patientes minces ou très minces qui n’auraient alors pas suffisamment de zones graisseuses à prélever pour aboutir à un résultat satisfaisant. Avec l’expérience, on parvient facilement à évaluer la quantité de graisse disponible, lors d’une consultation préopératoire.
Méthode reproductible
La méthode de prélèvement et de transfert de graisse est maintenant bien standardisée et est maintenant bien reproductible. Après une courbe d’apprentissage d’au moins 50 cas, le chirurgien peut réaliser de façon sûre et précise ces interventions.
Peu de contraintes postopératoires
Cette intervention est bien admise par les patientes et entrainent peu de contraintes postopératoires (essentiellement des grosses ecchymoses et des douleurs localisées) ; si bien que l’éventuelle répétition des séances est bien accepté par les patientes en reconstruction mammaire.
Peu de complications
Les vraies complications de cette technique sont rares ou exceptionnelles lorsque l’opérateur est entrainé. Les cas d’infection ont été très rares (13 cas sur 3000 interventions soit 0,43%).
Résultat naturel
Lorsque l’intervention se passe bien et que les suites opératoires se déroulent normalement, la consistante au toucher et la chaleur du sein reconstruit sont les mêmes que celles du sein controlatéral et le caractère naturel de la reconstruction est très appréciable. De même, en chirurgie esthétique, une augmentation par lipomodelage est imperceptible. Le sein est souple et naturel et bien intégré par la patiente.
Amélioration de la trophicité cutanée
Du fait de l’apport des tissus graisseux, nous avons remarqué une amélioration de la trophicité cutanée avec amélioration de la souplesse, de la couleur et de l’élasticité de la peau. Ceci est particulièrement intéressant dans le cas des tissus irradiés et fibreux.
Inconvénients du lipomodelage du sein
Douleurs postopératoires
La douleur est peu importante au niveau du sein. Elle est par contre plus importante au niveau des sites de prélèvement, notamment l’abdomen et les cuisses. Cependant, depuis que nous infiltrons les zones de prélèvement avec de la Ropivacaïne, qui est un anesthésique local d’action prolongée, les suites opératoires ont été bien améliorées. Les antalgiques de classe I suffisent généralement à passer la période postopératoire.
Technique opérateur – Dépendante
Cette technique a une courbe d’apprentissage pour obtenir de bons résultats. En début d’expérience, le chirurgien peut avoir des résultats insuffisants et peut surtout avoir trop de cas de cytostéatonécrose. Après 50 à 100 interventions réalisées par le même opérateur, le taux de cytostéatonécrose diminue de façon notable et revient dans des limites tout à fait acceptables.
Œdèmes et ecchymoses
Ces phénomènes sont fréquents au niveau du site donneur et au niveau du site receveur. Ils sont dus aux traumatismes générés par la création des tunnels de prélèvement et de réinjections. Les ecchymoses persistent environ 3 semaines et l’œdème est résorbé dans sa plus grande partie dans les 3 mois postopératoire. Le résultat final peut être apprécié avec une bonne précision à environ 3 mois.
Bilan d’imagerie
Le bilan d’imagerie du sein est indispensable avant un lipomodelage du sein. Ce bilan d’imagerie dépend de l’âge de la patiente. Avant 30 ans, seule une échographie est nécessaire, en plus de l’examen clinique; entre 30 et 40 ans, il faut réaliser une mammographie avec une incidence oblique par sein et une échographie; à partir de 40 ans, il faut réaliser une mammographie classique avec une échographie. Pour les séquelles de traitement conservateur, un délai de deux ans est recommandé avant de réaliser le lipomodelage. Le bilan d’imagerie doit être récent par rapport à la date d’intervention prévue et comporte, en plus de la mammographie et de l’échographie, une IRM.
Un bilan d’imagerie doit être systématiquement réalisé 1 an après la chirurgie. Il comporte les mêmes examens. Après traitement conservateur, le bilan à 1 an comprend mammographie et échographie, sans IRM systématique. Le bilan à 1 an a pour but de faire le point sur d’éventuelles images induites par la chirurgie, de la caractériser, et d’obtenir une imagerie de référence pour le suivi ultérieur de la femme. Ce bilan nécessité une bonne connaissance des lésions produites par la chirurgie, afin de ne pas alarmer inutilement la patiente, mais ne pas passer non plus à côté d’un cancer concomitant.
Images à connaître par nos radiologues
Si les complications postopératoires immédiates sont rares, voire exceptionnelles, comme cela a été précisé plus haut, il faut cependant connaître le risque de mastite infectieuse après lipomodelage. Devant une suspicion de mastite, l’échographie est le premier examen à pratiquer. L’imagerie peut être difficile du fait de l’œdème postopératoire et de l’échogénécité de la graisse transplantée. Elle doit rechercher un abcès collecté. L’abcès apparait alors plus échogène que dans d’autres contextes, car il correspond à un kyste de cytostéatonécrose surinfecté. Si cette aspect kystique est en regard d’un érythème cutané, une ponction échoguidée peut être réalisée et permet de faire le diagnostic, permet d’évacuer l’abcès, et permet un prélèvement bactériologique pour mettre en place une antibiothérapie adaptée.
A distance de l’intervention, les images mammographiques montrent majoritairement des calcifications correspondant à de petits foyers calcifiés de cytostéatonécrose. Ces calcifications sont habituellement d’allure bénigne, ronde, régulière, parfois au centre clair, et ne posent pas de problème diagnostique concernant leur bénignité. Il peut exister également des aspects dits en « bulles de savon», correspondant à de petits kystes huileux dont la paroi se calcifie. Sur le plan échographique, ces kystes huileux peuvent apparaitre transsonique initialement, mais comportent souvent une composante échogène dite en « grelots», bien caractéristique de ces lésions.
Dans la grande majorité, les conséquences du lipomodelage du sein se résument à ces lésions calciques et kystiques de cytostéatonécrose, qui ne posent pas de problème diagnostique quand on les connait bien. Il peut cependant apparaitre d’autres lésions plus suspectes dans leur allure comme un radio macrophagique qui correspond à une nécrose inflammatoire de la graisse et qui se traduit cliniquement par une masse suspecte, mal limitée, d’allure infiltrante. A la mammographie, l’aspect est souvent celui d’une masse ; tandis qu’à l’échographie il s’agit d’une zone échogène, plus ou moins atténuante, avec parfois un centre liquidien. Bien que l’aspect soit évocateur avec l’expérience du radiologue, seule la microbiopsie permet d’infirmer ou de confirmer le diagnostic. Il faut retenir que toute lésion ne correspondant pas à un aspect typique de bénignité pour le radiologue expérimenté, doit faire l’objet d’une microbiopsie pour affirmer sa bénignité, surtout dans un contexte carcinologique comme les séquelles de traitement conservateur.
Conclusion
L’imagerie du sein avant lipomodelage est indispensable et constitue le filet de sécurité du chirurgien pour éviter toute coïncidence avec un éventuel cancer du sein. L’imagerie préopératoire doit être adaptée au contexte de la patiente, et elle est indispensable. Elle doit clairement conclure à la possibilité ou non de la réalisation de la chirurgie. Le suivi après lipomodelage est habituellement simple et se résume à la découverte de lésions spécifiques de cytostéatonécrose, sous la forme de calcifications et de kystes huileux, dont l’imagerie est sans équivoque pour un radiologue expérimenté. En cas de doute, le radiologue réalisera une microbiopsie afin d’affirmer la bénignité de la lésion.
Références
Delay E, Tourasse C.
Reconstruction mammaire et lipomodelage : information, technique, précautions, images à connaitre.?Imagerie de la Femme 2018;28:152-63.
Imagerie du sein après lipomodelage
Le lipomodelage du sein, ou lipofilling du sein, est une technique qui consiste à transférer de la